Nicolas Régis-Constant est le président et cofondateur de La Passerelle, un bootcamp qui forme aux compétences tech, et qui a 2 campus à Paris et à Lyon. Dans cet entretien, il nous partage comment il a vu le marché évoluer, pourquoi la mixité sociale est importante pour son approche pédagogique et ce qu’est le “DevSecOps” !
Peux-tu te présenter et présenter la Passerelle ?
Je m'appelle Nicolas Régis-Constant, je suis président et l'un des cofondateurs de La Passerelle, qui est un bootcamp qui forme à la production du numérique. On existe depuis l'été 2019, et on a formé plus de 400 personnes (dont 46 % de femmes) dans les domaines de la cybersécurité, du développement web, du design - tous les métiers qui permettent de produire et de maintenir des applications et des sites web.
Tu as travaillé de nombreuses années dans le domaine des bootcamps tech. Comment as-tu vu évoluer le marché en 10 ans ?
Effectivement, ça va bientôt faire 10 ans que je suis dans la formation professionnelle. C'est en juin 2013 que j'ai commencé l'aventure, en tant que simple formateur en développement web. Et puis j'ai évolué pour créer la direction pédagogique de l’école avant de créer ma propre école avec des amis et associés.
1 Français sur 6 change de métier chaque année
Le marché a évolué dans un sens où il y a toujours besoin d'encore plus de reconversions professionnelles, ça c'est une certitude. On estime que c'est 1 Français sur 6 chaque année qui change de métier. Alors des fois, c'est juste un peu monter en compétence dans la même branche. Mais la plupart du temps, c'est vraiment des gens qui changent de métier et de vie. Et nous on s'adresse en particulier à ces personnes-là, à La Passerelle.
Des reconversions dans la tech de tous horizons
Nous sommes spécialistes de la reconversion professionnelle de profils tels que chauffeur de taxi, journaliste, restauratrice (écouter le témoignage d’Oskar, un ancien de La Passerelle), qui n'ont rien à voir avec les métiers dont on parle, et qui viennent acquérir des nouvelles compétences pour évoluer vers ces domaines-là.
Des entreprises qui ont toujours plus de besoins tech
Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de bootcamps qui forment aux compétences du code, de la data science et au design, ça se démocratise. Il me semble que ça se démocratise aussi sous l'impulsion des besoins des entreprises qui n'arrivent pas à trouver assez de candidats. Résultat : un certain nombre d'entreprises commencent enfin à ouvrir un peu leurs œillères et se dire que ce n'est pas possible de recruter que des bac+5 scientifique.
Des entreprises variées qui recrutent dans les bootcamps
Donc nous on cherche à d'abord répondre à ces entreprises-là : les startups, les agences digitales, des ESN, mais plutôt des petites ou de taille moyenne (pas trop les grosses qui sont très connues, mais qui restent encore beaucoup sur des recrutements classiques, de par les demandes de leurs clients), et les PME avec une digitalisation toujours plus forte. Donc je dirais que le marché a évolué dans ces deux sens là.
La mixité sociale est un élément fort de l'ADN de la Passerelle. Comment est-ce que cela renforce votre pédagogie ?
Alors ça, c'est l'un des éléments fondateurs de La Passerelle. Là où on travaillait auparavant, on a remarqué qu'il y avait des gens de tous horizons qui venaient faire une formation au code, mais ce n'était pas spécialement cherché par l'école en question : elle ne cherchait pas spécifiquement tel public ou tel public pour ensuite faire le mix. Ça se faisait naturellement de par leur volume, mais ensuite ça s'est perdu, car ce n'était pas dans l'ADN de l'école.
La mixité sociale, une volonté de La Passerelle
Or, c'est quelque chose que nous avons estimé, notamment avec Maya (la co-fondatrice de Go Fenix), qui était absolument nécessaire, en particulier pour les individus en reconversion professionnelle. On a des gens qui exercent un travail qui n'a rien à voir et qui peuvent se demander "mais qu'est ce que je fais là en fait ?". Et donc, si on voit des gens avec des profils très différents, il y a beaucoup plus de chances de se sentir intégré et de réussir la formation.
Un enjeu social qui renforce la pédagogie
Et après il y a un enjeu social pour nous : nous nous sommes rendus compte que même si on est dans une société plutôt républicaine et mixte, il y a des personnes qui ne se croisent jamais dans la vie courante. La mixité sociale, ça reste un concept et pas forcément une pratique de tous les jours. Et nous, justement, c'est un peu comme si on forçait des rencontres de personnes dont on sait qu'ils se rencontreraient pas, notamment pour des raisons géographiques et niveau social, etc.
Et pourquoi on fait ça ? Ce n'est pas pour s'amuser, c'est vraiment parce que comme on crée un cadre très fort au niveau de la formation, il y a une émulation qui se fait à l'intérieur du bootcamp. Nos bootcamps, ce sont des groupes de 16 élèves, ce qui permet de faire ce travail de groupe, tout en favorisant quand même la possibilité d'intervention individuelle des formateurs avec les apprenants.
Une mixité pour éviter le cloisonnement
Après, une fois que les élèves sont dans ce cadre là, et que tout le monde a le bon état d'esprit, ça peut aller très loin. D'ailleurs, c'est assez amusant de constater qu'il y a des amitiés qui vont se créer, voire même un peu plus ! Donc ça c'est quelque chose de très enrichissant par rapport à certaines écoles qui ont fait le choix de faire 100 % femmes / 100 % demandeurs d'emploi / 100 % de bénéficiaires du RSA. C'est très segmenté, et pour nous, c'est assez problématique.Il faut aller chercher tous les publics et les ramener au même endroit, avec la même formation. Tout le monde est capable de faire une formation aux compétences de production numérique, c'est la motivation qui compte.
Des modules adaptés aux publics de La Passerelle
Après, on peut aussi avoir des modules spécifiques pour certains publics, c'est tout à fait logique, et en particulier sur la recherche d'emploi.
On ne s'adresse pas forcément de la même manière à des demandeurs d'emploi de longue durée et d'autres pour qui le chômage c'est juste du frictionnel : c'est-à-dire qu'ils étaient en emploi salarié 2 mois avant le bootcamp, et on sait que dans les deux mois, ils vont trouver quelque chose. Ils n'ont pas spécialement besoin de nous même si on leur donne des coups de pouce.
D'autres ont besoin de plus d'accompagnement avec des modules spécifiques, mais le cœur du curriculum reste commun.
Vous lancez une formation DevSecOps. Qu'est-ce que veut dire cet acronyme, et à qui ça s'adresse ?
Le DevSecOps, c'est le véritable nom des métiers de production cybersécurité. Cybersécurité, ce mot un peu à la mode, c'est un peu comme l'intelligence artificielle, ça recouvre énormément de choses.
La sécurité, c'est quelque chose de transversal en informatique, ça touche aussi bien le matériel informatique, le réseau, le système d'exploitation, les applicatifs et puis évidemment les pratiques humaines autour de tout ça. Donc, il y a plusieurs couches.
Nous, on a décidé de se concentrer sur la partie infrastructure, à savoir le matériel, le réseau, le système d'exploitation et l'applicatif. C'est vraiment le cœur de la formation.
L'origine du DevSecOps
DevSecOps, ça vient du DevOps à la base, qui est déjà la contraction des métiers du code et des des opérations (l'infrastructure et l'administration système). C'est une démarche continue de développement des applications et des sites web, symbolisée souvent par un huit, le symbole de l'infini.
L'importance de la sécurité dès la conception
Mais le problème, c'est qu'il manque la sécurité dans le DevOps. Aujourd'hui, on se rend compte que ce n'est pas du tout une bonne approche que de faire de la sécurité une fois que tout est en place. Au contraire, il faut penser à la sécurité dès le début. On parle d'ailleurs de "secure by design" : on réfléchit conjointement à la sécurité des applications, au développement et à l'infrastructure.
Ensuite, à quoi ça sert de donner ce mot là ? C'est parce qu'il y a plusieurs orientations métier. En sortie de formation, on peut avoir des développeurs sécurité ("DevSec"), on peut avoir des gens qui vont être surtout dans l'infrastructure ("SecOps"), et évidemment on a aussi des DevOps, qui vont être sur le développement et l'automatisation, mais avec l'approche sécurité en plus.
Les pré-requis pour se former en DevSecOps
On peut former avec cette formation en trois mois, mais il y a quand même des pré-requis techniques à l'entrée : il faut savoir coder, savoir faire un peu d'administration système ou en tout cas de savoir installer un système d'exploitation, et d'être la personne qui installe la box de la grand-mère. Il faut s'y connaître quand même un peu !
Mais à part ça, il n'y a pas de gros pré-requis. Après, comme pour tous les bootcamps, il faut pratiquer à fond, avec à la clé un très fort taux d'employabilité concernant cette formation.
Quels sont tes conseils pour se reconvertir avec un bootcamp tech ?
1er conseil : bien se renseigner
D'abord, bien se renseigner sur les métiers. Il y a un dispositif qui s'appelle la Grande Ecole du Numérique qui a implanté des observatoires métier sur les régions. Déjà, ça donne des chiffres de l'emploi du numérique dans chaque région, puisqu'il n'y a pas que l'Ile-de-France !
Mais d'autre part, il y a un bon décryptage des différents domaines, parce que c'est vrai que l'un des problèmes du numérique, c'est qu'il y a sans cesse des nouveaux métiers, ou en tout cas des nouveaux noms qui se raccrochent à des métiers existants, et donc c'est difficile de s'y retrouver.
2e conseil : consulter les vidéos et ressources en ligne
Autre conseil : il y a souvent des vidéos qui parlent des différents métiers. Il y a le site de Welcome to the Jungle avec des vidéos de personnes qui présentent leur métier dans la tech. Il y a aussi les vidéos de Pôle Emploi, qui sont très bien faites, avec des séquences vidéo de 2-3 minutes qui présentent plutôt bien les rôles. Et bien sûr, les fiches métier de Go Fenix !
3e conseil : bien mûrir son projet
Donc, mon conseil c'est de bien réfléchir à son projet : il n'y a pas que le développement, il y a beaucoup de besoins dans le design, les opérations, la data, etc. Il faut trouver le métier qui convient à sa personnalité, et quand on est un peu perdu là dedans, on peut faire appel à Go Fenix pour trouver sa voie et faire un bilan de compétences.
Après il faut se lancer, seule compte la motivation !