Emmanuel Straschnov est le fondateur de Bubble, plateforme sur laquelle Go Fenix a été conçu, et nous avons eu la chance de le rencontrer au NoCode summit à Paris en septembre. Dans cet entretien, il nous livre sa vision pour Bubble pour démocratiser la programmation, et explique en quoi la France est en avance dans le domaine.
Peux-tu te présenter et présenter Bubble ?
Je m'appelle Emmanuel Straschnov, Français d'origine, même si j'ai quitté la France il y a maintenant 16 ans. J'ai lancé Bubble il y a maintenant 10 ans avec la vision que dans un monde de plus en plus digital, où la création ne fait que s’accélérer, il n’est pas sain ni juste que ce soit seulement les gens qui ont une formation technique qui soient en mesure de créer des produits digitaux et des entreprises. Nous avons donc créé cet outil pour permettre à des gens non-techniques de lancer des produits et des entreprises, sans être ingénieur. C'est ce que l'on fait depuis 10 ans et ça n'a pas beaucoup changé. C'est juste devenu plus gros: nous avons passé le cap des 2 millions d'utilisateurs.
Le NoCode est une filière émergente en France et dans le monde. Verra-t-on bientôt des nouveaux postes de "développeur NoCode" dans les entreprises ?
Oui, de ce que je peux en juger, parce qu'il y a beaucoup de gens qui me contactent sur les réseaux sociaux pour me demander si je peux les aider à trouver des Bubblers. Clairement, il y a un manque sur le marché pour cette nouvelle catégorie de jobs qui se crée. Un de nos gros sujets chez Bubble aujourd'hui est de trouver des moyens de certifier les compétences des gens. Parce que quand il y a un manque de talent, il y a beaucoup de gens qui disent qu'ils sont bons en Bubble. La plupart des gens évidemment sont de bonne foi et sont bons, mais d'autres ne le sont pas toujours. Et donc il s'agit de permettre aux entreprises d'avoir une vision plus claire des compétences qui sont sur le marché.
Réduire la courbe d'apprentissage de Bubble est une de vos priorités pour gagner de nouveaux utilisateurs. Comment vous y prenez-vous ?
Il y a trois façons de résoudre ce problème là. Le premier est de rendre le produit plus facile à utiliser. Alors, il y a des choses qu'on peut faire parce que ça fait longtemps qu'on n'a pas vraiment investi là-dessus. Il y a aussi des limites sur ce qu'on peut faire parce qu'on reste un outil particulièrement flexible. On veut permettre aux gens de faire à peu près ce qu'ils veulent. Mais si on fait ça, ça veut dire que ce ne sera jamais l'outil le plus facile à utiliser, et ça, c'est quelque chose qu'on ne fera jamais.
La deuxième chose, c'est de la documentation et des guides dans l'éditeur, parce qu'il y a pas mal de moments où un utilisateur ne sait pas quoi faire dans l’éditeur. Résoudre cela n’est pas sorcier: il faut montrer un message contextuel qui est le bon message au bon moment.
Et la dernière chose, ce n'est pas vraiment réduire la difficulté d'apprentissage ou rendre l'outil plus facile, mais plutôt un effort marketing de mieux communiquer la valeur de l'outil. Parce que si les gens savaient vraiment tout ce qu'on peut faire avec Bubble, je suis persuadé qu'il y a beaucoup plus de gens qui apprendraient l'outil. En fait, on est beaucoup plus similaire au code qu'aux autres outils NoCode, de par la flexibilité de notre outil. Mais par contre, je pense qu'on est plus de 100 fois plus facile que le code. Et si les gens avaient bien conscience de ça, je pense que l'outil serait de facto plus facile à apprendre: les gens ne comparerait pas avec un outil simple, mais avec du code.
Comment vois-tu Bubble dans 10 ans ?
Ca fait 10 ans que je fais ça, et je pense qu'on n'est qu'au début de l'aventure vu le potentiel qu'on a devant nous ! Donc j'espère que dans 10 ans, on sera de facto la plateforme que tout le monde utilise, pour créer des outils et applications, web ou mobile, quel que soit le contexte, que ce soit un étudiant à l’université, une startup (qui est notre cœur de métier aujourd'hui), une très grosse entreprise ou une association.
J'espère aussi que dans 10 ans, on parlera moins de NoCode. Aujourd'hui, on dit NoCode par opposition au code. Moi ce que je souhaite, c'est que dans dix ans, Bubble soit juste le standard pour créer des choses. Ce qui veut pas dire qu'il n'y aura plus de code d'ailleurs ! Il y aura toujours du code quand il s'agit de rajouter des fonctionnalités qui manquent aux plateformes, de même qu'aujourd'hui, on peut déjà écrire du code dans Bubble s'il manque quelque chose.
On voit de plus en plus de gens qui passent du NoCode au code parce qu'à un moment ils commencent à découvrir et aimer ça Moi je trouve ça très cool ! On n'est pas du tout anti-code : on pense que le code est une tâche qui apporte beaucoup de valeur. Il faut juste l'utiliser quand il n'y a pas d'autres options. Et notre objectif avec Bubble est de réduire le nombre de cas où il n'y a pas d'autres options.
Quels conseils donnerais-tu aux personnes qui veulent se lancer dans le NoCode en France ?
En général, indépendamment du pays je dirais que c'est important en débutant de se mettre en tête qu'il va falloir apprendre et que ce n'est pas quelque chose qui se fait tout de suite. Pour être NoCodeur, il y a quand même une vraie compétence derrière, compétence qui prendra quelques dizaines d'heures à apprendre et non des milliers d'heures comme du code. Mais il faut quand même être prêt à mettre les mains dans le cambouis, et bien se rendre compte qu'à des moments, les choses ne sont pas toujours super faciles et qu'il faudra comprendre ce qui se passe et apprendre comment faire.
Le fait que tu parles de France est intéressant parce qu’en France, il y a effectivement quelque chose d'assez spécifique autour de la communauté du NoCode. Ca commence à émerger dans d’autres pays, mais la France reste en avance à ce niveau-là. Le fait que le NoCode summit ait eu lieu à Paris n'est pas anodin : la densité de la communauté NoCode à Paris est plus forte qu'aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, il y a plus de NoCodeurs, mais c’est un pays beaucoup plus grand. La France étant un pays beaucoup plus petit et assez centralisé, avec quelques grandes villes, la communauté est plus dense et donc les gens peuvent s'aider beaucoup plus, que ce soit pour apprendre plus vite, ou trouver un emploi plus rapidement. Donc oui, avec sa communauté, la France est précurseur dans le NoCode !