Manon Pellat est General Manager d’Ironhack pour la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Elle partage dans cet entretien son parcours, sa vision du marché en France et les efforts entrepris par son entreprise pour renforcer la place des femmes dans la tech.
Peux-tu te présenter et nous expliquer ce que fait Ironhack ?
C’est en 2013 en Espagne qu’est née l’idée d’Ironhack, dans un contexte de crise économique importante, avec un taux de chômage des jeunes supérieur à 50% et des entreprises tech qui avaient énormément de difficulté à recruter des développeurs. Depuis, on s’est développé en Amérique et en Europe et on a formé plus de 11,000 étudiants sur 4 métiers: développement web, data, cybersécurité et UX Design.
Avant Ironhack, j’ai travaillé dans le luxe et la mode, notamment chez Vente-Privée. En 2017, j’avais pour projet de partir de Paris et m’installer au Mexique : ce pays me passionnait et je voyais qu’il se passait beaucoup de choses dans la tech là bas. Avec la tech, je cherchais à donner un sens à mon métier. Une amie m’a contactée pour me parler de Ironhack qui souhaitait ouvrir un campus au Mexique. Au début, j’étais plutôt réticente car je ne connaissais pas le milieu des bootcamps. Mais après avoir échangé avec le CEO, je me suis sentie complètement alignée avec les valeurs et la mission. Je les ai donc rejoint en tant qu’Expansion Manager pour lancer les opérations au Mexique en 4 mois. Tout est allé très vite !
Je suis restée 3 ans au Mexique en tant que Growth Manager, en charge de la stratégie marketing sur ce marché. Ca avait beaucoup de sens pour moi car au Mexique, il y a plus de 70% d’étudiants qui ne finissent pas l’université pour des raisons économiques. Ainsi, on avait beaucoup de personnes qui s’intéressaient à la formule bootcamp pour obtenir de meilleures opportunités économiques. Puis un jour, un des fondateurs d’Ironhack m’a appelée pour me demander si j’étais intéressée de revenir en France et prendre un poste de General Manager. J’ai donc fait mes valises en 2020, juste avant la pandémie, pour prendre la direction de la France !
Cela fait 5 ans ans qu’Ironhack est en France. Comment as-tu vu évoluer le marché ?
Au début, nous avions beaucoup d’étudiants en France qui venaient chez nous en complément de leur formation initiale pour rejoindre plus facilement le monde de la tech. Aujourd’hui, je remarque qu’on a de plus en plus de personnes qui n’ont rien à voir avec la tech, qui parfois ne sont pas passés par les bancs de l’université, et qui voient vraiment Ironhack comme un moyen de reconversion professionnelle à 360, que ce soit pour changer de métier, devenir freelance, ou enfin quitter Paris et travailler en remote. Donc je dirais que le profil des étudiants a considérablement changé, avec un public un peu plus large et des profils de plus en plus différents, c’est aussi ce qui fait la richesse d’Ironhack.
Depuis la pandémie, nous avons aussi de plus en plus de personnes intéressées par les cours en ligne, alors qu’avant nous misions beaucoup sur l’expérience sur le campus. Aujourd’hui, nous voyons même des gens vivant à Paris qui décident de suivre nos cours en ligne, et qui apprécient cette flexibilité de pouvoir travailler de partout et de ne pas prendre les transports.
Toi qui as l’expérience des bootcamps sur plusieurs pays, remarques-tu une spécificité sur le marché français ?
Le sujet de la formation continue est très fort en France, notamment lié aux initiatives du gouvernement avec le CPF. Je sens qu’en France, on a plus de facilité pour entamer une reconversion et se former tout au long de sa carrière. En plus de cela, on a l’idée en France que l’éducation devrait être gratuite, et donc le sujet des financements est très clé ici.
La France est un marché très concurrentiel, avec beaucoup d’organismes de formation. En plus de la notoriété, du taux de placement avec nos partenaires, la question de “comment financer ma formation” revient souvent, alors que la question se pose moins sur d’autres marchés.
Alors justement, un bootcamp ça coûte cher ! Que faire lorsque l’on a des moyens financiers limités ?
Un bootcamp est une formule intensive, et ça peut paraître assez cher sur le papier. Ce que je conseille souvent, c’est de bien regarder le taux horaire, car on peut parfois avoir des formations de 10 heures pas chères, mais c’est juste 10 heures, alors qu’un bootcamp c’est plus de 400 heures en 9 semaines. C’est très intensif, ça peut correspondre à ce que l’on peut suivre en un an, avec d’autres parcours plus traditionnels.
Nos bootcamps coûtent 8,000 euros et heureusement en France, on a pas mal d’options de financement. En premier lieu, toutes nos formations sont éligibles au CPF, ainsi qu’aux divers dispositifs de financement publics (AIF, OPCO, AGEFICE, etc). Ensuite, nous avons des bourses financées grâce à nos partenariats, notamment avec Indeed, Vinted ou la Ville de Paris, pour donner un coup de pouce à certains de nos étudiants. Enfin, nous offrons aussi la possibilité de payer en plusieurs fois, avec un partenaire qui s’appelle Pledg, et niveau prêt, nous avons aussi un partenariat exclusif avec la BNP avec des taux très intéressants sur 48 mois pour payer sa formation.
Quelles sont les idées reçues sur les bootcamps en France ?
Les idées reçues, on les retrouve dans les réticences de certains candidats ou dans les commentaires qu’on trouve en ligne.
Les nombreuses arnaques aux CPF nous desservent. On s’est tous fait appeler une dizaine de fois par des sociétés qui sollicitent le CPF, et ça décrédibilise un petit peu le secteur et les organismes sérieux comme nous, qui avons des certifications et qui sommes en France depuis longtemps. Donc, on peut retrouver parfois le sentiment que si c’est éligible au CPF, c’est une arnaque, c’est qui est dommage car c’est plutôt un gage de qualité.
Une deuxième crainte concerne l'employabilité post formation : “est-ce que j’aurai vraiment les compétences suffisantes pour décrocher un job à l’issue de la formation?”. C’est un sujet hyper important : nous sommes très vigilants sur la sélection des étudiants qui suivent notre formation. Pas dans le sens où il y a des pré-requis, mais plutôt sur la motivation des étudiants. N’importe qui peut suivre notre formation, on n’exige pas le bac ou une expérience professionnelle. Nos cours ont été imaginés pour qu’un débutant qui ne sache rien au code puisse suivre. En revanche, il faut être extrêmement motivé et avoir un objectif professionnel assez clair pour tenir l’intensité du bootcamp. Ca c’est quelque chose que nous évaluons bien dans notre processus d’admission pour évaluer si ce que nous proposons est aligné avec l’objectif professionnel.
Comme nous faisons cette sélection en amont, nous avons très peu de décrochage, 95% des étudiants terminent la formation. Ce que je conseille également, c’est de bien regarder le taux de placement à l’issue de la formation. Chez Ironhack, il est supérieur à 85% 6 mois après la formation, et nous avons un service carrière qui accompagne nos étudiants dans leurs recherches d’emploi (ndlr: tous les ans, ces chiffres sont vérifiés indépendamment par PWC). Aujourd’hui en France, nous avons plus de 400 entreprises partenaires qui recrutent à l’issue de la formation.
Que fait Ironhack pour contribuer à augmenter la part des femmes dans les métiers de la tech ?
C’est un sujet hyper important pour Ironhack et aussi pour moi, c’est mon cheval de bataille ! Historiquement, Ironhack a toujours donné des bourses aux femmes pour les métiers de développement web, cybersécurité et data. Ce n'est pas une bourse qui couvre l’intégralité de la formation, mais ça donne un coup de pouce pour convaincre encore plus les femmes de rejoindre ces métiers. Et ce qui a le plus d’impact, c’est notre réseau de partenaires qu’on a su créer au fil des années. Par exemple, en France, on a fait pas mal d’événements réservés aux femmes avec My Little Paris, Accenture, Vinted. Tous les ans, on offre des bourses aux membres de la communauté Vinted, qui sont essentiellement des femmes, et ces bourses peuvent aller jusqu’à prendre en charge 100% de la formation. Ce partenariat a un succès fou ! Par exemple l’an dernier, on a eu 18,000 candidatures en 2 semaines et plus de 180 étudiantes qui ont rejoint nos formations. Grâce à ce type de partenariats, nous avons eu plus de 55% de femmes au sein de nos formations l’an dernier. C’est quelque chose que je cherche à diversifier aujourd’hui, je suis en contact avec d’autres entreprises pour diffuser ces bourses.
On est aussi en partenariat avec d’autres organisations qui font de la diversité dans la tech une priorité, notamment 50inTech, pour proposer des ateliers tels que “comment négocier son salaire dans la tech quand on est une femme ?”, “comment se préparer à son premier entretien ?”, “comment vaincre le syndrôme de l’imposteur ?”. On a aussi lancé un mouvement “the algorithm is female”, en créant un réseau de mentors et en organisant des meet ups, pour inspirer plus de femmes à rejoindre nos formations, à travers des témoignages de nos alumni et de modèles. Il faut qu’on arrête de croire que la tech n’est réservée qu’aux hommes ou aux geeks !
Quels conseils donnerais-tu à ceux qui souhaitent se reconvertir dans la tech ?
N’ayez pas peur ! La tech est vraiment ouverte à tous et à toutes. Moi, il y a un moment quand j’étais dans le luxe, je me disais que je ne m’y connaissais pas assez, mais je m’étais créé ces schémas qui étaient complètement faux. C’est un secteur qui recrute, et qui continuera à recruter. Il ne faut pas avoir fait 5 ans d’études ou être ingénieur pour rejoindre la tech.
Ce que je conseille souvent, c’est d’assister à des talks, écouter des podcasts, lire des articles et des témoignages pour vraiment être sûr que cela correspond à ses objectifs professionnels. Faire des petits cours en ligne pour être sûr que cela répond à ce que l’on recherche. Aujourd’hui il y a pas mal de ressources gratuites qui permettent de s’initier aux outils et langages et de mieux connaître les métiers de la tech. N’hésitez pas à suivre notre page Meet Up, car on y organise des événements tout le temps !