> Retour à l'accueil du blog

Pourquoi l’intelligence artificielle n’est pas réservée qu’aux bac+5

Eneric Lopez directeur stratégie IA chez Microsoft France

Eneric Lopez est directeur en charge de la stratégie IA chez Microsoft France. Dans cet entretien, il nous partage sa vision de l’IA et son pouvoir d’amplifier les initiatives à impact positif, tout en offrant des opportunités de reconversion, qui ne sont pas réservées qu’aux bac+5.

Vous souhaitez de l'aide pour vous reconvertir dans le digital ?
Découvrez les coachings de Go Fenix !

Est-ce que tu peux te présenter et présenter ton rôle chez Microsoft France ?

Je suis en charge du plan stratégique de Microsoft France pour mettre en œuvre l'ensemble des initiatives et actions qui nous permettent d'avoir un impact social positif. Par cela, nous contribuons aux enjeux environnementaux et sociaux de la France, mais également des grands clients de Microsoft, dans l'accompagnement sur des sujets technologiques: l'Intelligence Artificielle (IA), la cybersécurité, le cloud, mais également dans des dimensions plus sociétales, sur l'environnement, la création d'emplois, le développement de compétences.

A l'heure où le gouvernement français souhaite accélérer le développement de l'intelligence artificielle dans l'Hexagone, quelles sont les ambitions de Microsoft pour développer l'écosystème ?

Il y a 3 ans, nous avons commencé à travailler dans cette direction, dès les prémices de l'ambition française avec le rapport de Cédric Villani, et après le plan du président Macron "AI for Humanity". Nous avons plusieurs axes :

Il y a d'abord la mission première de Microsoft, qui est de permettre à chaque individu et à chaque organisation de réaliser ses ambitions. Nous le faisons en donnant accès à de la technologie. En effet, nous démocratisons l’usage de l’IA en les intégrant à nos outils Microsoft, avec des briques d’algorithmes extrêmement puissants qu’on peut trouver sur étagère, via des APIs (ndlr: Application Programming Interface, outils qui permettent d’intégrer des applications entre elles). Je prends pour exemple GPT-3, qui est un modèle de compréhension du langage extrêmement poussé. Normalement, il est accessible uniquement à des data scientists, mais nous l’avons packagé pour qu’il puisse être utilisé plus largement.

Ensuite, nous aidons les petites, les moyennes et les grandes entreprises à avoir une stratégie et une organisation sur ces sujets-là. Cela implique une forte dimension compétences : faire en sorte que des jeunes, ou des moins jeunes, soient sensibilisés aux technologies de l'intelligence artificielle. Cela demande aussi la création de nouvelles filières. Aujourd'hui en France, il y a plus de 70 % des personnes qui sont formées à l'IA qui ont un niveau bac+5. Nous ne devons pas créer que des data scientists, mais aussi des nouveaux types de profils.

Enfin, nous mettons la technologie, et notamment l'IA, au profit d’initiatives positives à impact social. Nous le faisons en aidant des ONG, des entrepreneurs sociaux, des start-ups à utiliser cette technologie parce qu'elle permet d'amplifier leur impact social. Donc, c'est dans ces diverses directions que l'on essaye de contribuer.

Quels sont les freins majeurs à l'adoption de l'intelligence artificielle au sein des entreprises aujourd'hui ?

Il y a un gros décalage entre le déclaratif et la réalité. Si l’on regarde les études qui ont été menées auprès des entreprises, on a un taux qui dépasse les 90% de décideurs qui affirment que l’IA va être stratégique pour leur avenir. Après, quand on regarde où en sont les entreprises, on dépasse à peine les 30% de mise en application. C’est en plus biaisé par les grands groupes qui ont beaucoup avancé, alors que les petites et moyennes entreprises n’y sont pas, parce qu'elles se disent que l'IA ne les concernent pas et qu’elles priorisent leur transformation digitale, pour faire simple.

Selon moi, ce décalage s’explique par 3 grandes raisons. La première, c'est une question de stratégie : il faut avoir une stratégie orientée data et IA. Concrètement, cela demande de faire des expérimentations et de mettre la data au service de cas d’usage, à travers une approche plus holistique. Et ça il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui y sont, même des très grosses. Moi je vois beaucoup d'entreprises qui ont commencé à utiliser la data et l'IA dans plein de services, mais très peu encore ont une vision holistique. Schneider Electric est le meilleur exemple que j'ai en tête : c'est une entreprise historique qui fait du hardware dans le monde de l'énergie, et qui se transforme en une entreprise software qui crée des plateformes qui collectent de la data et font de l'IoT (ndlr: Internet of Things). C’est un exemple d’entreprise véritablement “AI-driven”, orientée IA, qui crée ainsi des produits et des services qui permettent la meilleure maîtrise de l'énergie.

Le deuxième point, c'est la culture. On connaît cette fameuse phrase “La culture mange la stratégie au petit déjeuner”. C’est vrai ! Pour donner un exemple : c'est bien de mettre en place une gouvernance de la data, c'est nécessaire pour gérer la data et pour évoluer après vers l'IA. Mais on aura beau mettre en place toutes les bases de données et data lakes possibles, si les départements ne se partagent pas les données, ça n’avancera pas. Il faut désiloter l'entreprise pour favoriser les partages entre entités, y compris tout en bas de l'échelle. Un col bleu peut avoir de très bonnes idées et s’impliquer dans la création de valeur par l’IA ! Et dans cette culture, il faut éviter d’avoir une approche ROIste (ndlr: retour sur investissement) du court-terme. Le retour sur investissement n'est pas forcément directement mesurable quand on parle de satisfaction client.

Le troisième point, c'est un sujet organisationnel. Est-ce que l’on a les bonnes compétences et est-ce que tout le monde est compétent à tous les niveaux de l'organisation, du comité de direction jusqu'aux cols bleus ? Je ne dis pas qu’il faut que tous soient des experts. Mais si on a une culture orientée data et IA qui est partagée, alors on va avoir envie d'utiliser cette data pour créer de la valeur. Cela suppose de ne pas considérer que les sujets de data et IA soient uniquement des sujets de data science, d'IT ou de business. C'est vraiment l’union des 3 qu’il faut pour travailler sur des scénarios, monter en maturité et créer des produits qui ont de la valeur.

Aujourd'hui, beaucoup de personnes cherchent à donner un sens à leur travail. En quoi l'IA est une voie à impact positif ?

Dans un premier temps, la technologie et l'IA peuvent être une opportunité de reconversion. Nous avons lancé des écoles sur l'intelligence artificielle avec Simplon pour devenir développeur en intelligence artificielle, à niveau bac+3. Avant, ça n'existait pas et c'est maintenant un titre reconnu RNCP (ndlr: Répertoire National des Certifications Professionnelles). On s'aperçoit que des personnes avec des profils complètement différents, CAP pâtissier ou doctorat en astrophysique ou contrôle de gestion au PMU, avaient envie de se reconvertir et ont pu devenir en 19 mois des développeurs en intelligence artificielle.

En même temps, pour les organisations, cette technologie permet d'amplifier un impact et de réaliser un certain nombre de choses que l'on ne pouvait pas faire avant. Pour donner un exemple, nous avons travaillé avec un Fabrice Hégron, un éleveur laitier fondateur d’En Direct des Eleveurs qui fait du lait Bleu-Blanc-Cœur (donc meilleur pour la santé, avec un impact environnemental moindre et avec de meilleurs salaires pour les éleveurs). Quand on l'a rencontré, son modèle fonctionnait bien, avec une trentaine d'éleveurs, mais il souhaitait en avoir plus et n’avait pas cette connaissance de ce que peut faire la technologie. En fait, il avait une mine d'or, avec beaucoup de données sur la qualité de son lait, qu'il n’utilisait pas. En mesurant exactement ce qu’il donne à manger à ses vaches et en faisant la corrélation avec la qualité de son lait, nous sommes arrivés à lui bâtir une petite application, qui lui permet de partager cet outil à d'autres éleveurs pour adopter les mêmes pratiques.

Donc, c'est intéressant de se dire que quelqu'un qui avait déjà un impact, va amplifier son impact grâce à cette technologie. Et il y a tant d'autres sujets sur l'environnement, la biodiversité ou le social ! Par exemple, nous travaillons aussi avec une start-up qui s'appelle Streetco. C'est le Waze des personnes en situation de mobilité réduite (fauteuil roulant, béquilles, malvoyance, etc). Avec l’IA, cela permet de créer des itinéraires adaptés à la mobilité réduite, pour déclarer si un trottoir est praticable ou non, et de mieux renseigner les autres utilisateurs et mieux vivre leur mobilité.

Tu l'as mentionné à l'instant. Vous avez ouvert une Ecole IA avec Simplon dans plusieurs villes de France. Est-ce que tu peux nous en dire plus ?

Nous nous sommes rendus compte que notre écosystème a de gros besoins, mais qu’il y a un trou dans la raquette de la formation en France. Nous formons très bien à un niveau master, et heureusement ! Cela nous donne de très bons chercheurs, ingénieurs et mathématiciens, qui sont reconnus sur le sujet de l'IA dans le monde. Mais à mesure que l'IA se développe, il nous faut aussi des bons artisans de l'IA. C'est comme si dans le monde de la cuisine, on ne formait que des chefs trois étoiles. Si on regarde aujourd'hui comment est composée une brigade, on s'aperçoit qu'il y a une variété de métiers et de compétences. Donc, il fallait créer ces nouveaux profils de développeur en intelligence artificielle, et c'est ce qu'on a fait à travers ces formations.

En 2018, nous avons lancé la première cohorte à Issy-les-Moulineaux, et la deuxième à Castelnau-le-Lez en Occitanie. Aujourd’hui, nous avons déjà eu une trentaine de promotions ! Pour le cursus, ce n'est pas nécessaire d'avoir un diplôme en entrée. Il faut avoir un petit peu de compétences en mathématiques, et avoir pratiqué un peu un langage de programmation. Mais on offre aussi des bootcamps (ndlr: formations intensives) pour remettre à niveau. Ensuite, on peut se lancer dans cette formation, qui dure 7 mois intensifs et 12 mois de contrat d'apprentissage. Certains continuent même après… Nous avons une apprenante, issue d'un autre monde, qui est devenue développeuse en intelligence artificielle et qui maintenant va faire un doctorat en data science à Oxford. Ca crée aussi des vocations !

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui souhaitent se reconvertir dans l'IA ?

Dans un premier temps, il faut avoir la curiosité de comprendre ce que c'est que cette technologie et ce que ça peut faire. Après, ça donne des idées sur l’utilisation dans son métier et sur les filières dans lesquelles on peut évoluer. Parce que s'il y a les filières purement technologiques pour travailler dans l'IA (développeur et data science), il y a aussi de plus en plus des métiers autour qui vont intégrer l'intelligence artificielle. On peut ne pas "changer de filière" et continuer à travailler dans la santé, la finance, les ressources humaines, etc, et avoir cette double compétence “métier + dimension data / IA”.

Et puis, on entend beaucoup de choses sur l'intelligence artificielle : c’est généralement négatif, assez biaisé en ne montrant qu'un élément du sujet, ou encore fantasmé et limite angoissant, alors que ce n'est jamais qu'une technologie à fort potentiel. Cela demande donc une forte dimension éthique. Qu'est-ce qu'on en fait ? Cela soulève énormément de questions sur la dimension de l’IA responsable. Mais ça ne doit pas effrayer, au contraire ! Cela doit aiguiser notre curiosité parce que c'est un outil extrêmement puissant.

Go Fenix vous aide à trouver votre voie, votre formation et votre 1er emploi dans le digital.
Retrouvez nos accompagnements sur www.gofenix.io
Découvrez le coaching de Go Fenix !
Go Fenix vous aide à trouver votre voie, votre formation et votre 1er emploi dans le digital.
Retrouvez nos coachings sur www.gofenix.io
Découvrez les coachings de Go Fenix !