Annabelle Bignon est la co-fondatrice des Maria Schools, un campus d’écoles qui forment aux nouveaux métiers. Dans cet entretien, elle nous partage sa vision de l’éducation et ses conseils pour surmonter le syndrôme de l’imposteur. Elle nous livre ses conseils pour proposer aux recruteurs une histoire forte autour de sa reconversion.
Peux-tu te présenter et présenter les Maria Schools ?
Je suis la cofondatrice de Maria Schools, le campus des écoles qui permettent d'affronter les défis qu'offre la révolution numérique et les transformations de notre société. On a aujourd'hui 4 écoles sur des sujets particuliers :
- Maestro, l'école de la tech qui va former au product management et au NoCode,
- Hero, l'école du storytelling, de la créativité et des nouvelles narrations
- Indigo, qui forme sur les compétences de la responsabilité environnementale et sociale, et que l’on vient de lancer,
- Et Lion, l'école historique, de l’ère entrepreneuriale et de l’innovation qui forme sur tous les nouveaux métiers, tels que growth, produit, data, Web3.
On vit une ère de changements rapides avec le télétravail et l'accélération de la technologie. Comment s'assurer que tout le monde trouve sa place dans cette nouvelle économie ?
Pour moi, il y a 2 sujets. D’abord, je pense qu'il faut être à l'aise dans ce chaos et ces changements permanents, et réaliser que ce n'est plus grave de ne pas savoir. C'est aussi très important de prendre conscience que l'apprentissage ne s'arrête pas sur les bancs de l'école à 20 ans, mais que maintenant c'est toute la vie. Pour rendre cet apprentissage possible, nous misons beaucoup sur l’éducation communautaire. On apprend énormément de ses pairs, pas que du prof et des exercices. Et pour en bénéficier, il faut commencer par se mettre dans une posture d’apprentissage. Chez Maria Schools, nos profs deviennent des élèves, et nos élèves deviennent des profs !
Ensuite, je pense que pour inclure le plus de personnes dans ce chaos et ce mouvement, il faut rendre de plus en plus accessible ces formations. En comparaison avec d’autres pays, nous avons la chance en France, quand on est salarié, d’avoir une poche d’argent débloqué par l’Etat sur le compte personnel de formation à hauteur de 500 € par an. Ça nous donne la possibilité d’accéder à plus de formations ! Dans ce contexte, notre but est de nous rendre visibles et d’éduquer le plus largement possible. Par exemple, dans chacune de nos écoles, nous formons gratuitement des personnes éloignées de l’emploi avec Paris Code. C’est pour cela aussi qu’on va dans des communautés pour donner confiance. Et plus on donne confiance, plus généralement les personnes peuvent être employables à vie. Après, ça ne veut pas dire qu'il faut changer de boulot nécessairement. Le but est d’atteindre une confiance dans son job, et d’avoir le choix de changer, se reconvertir, bouger et accepter des jobs que l'on n'imaginait pas accepter.
Qu'est ce qui caractérise les formations de Join Maestro en product management ?
Join Maestro repose sur 3 piliers. Le premier, c’est la pratique. Quand tu viens faire une formation, tu as les mains dans le cambouis, avec des outils et des cas réels. Le deuxième, c’est la diversité de nos experts. Tu vas apprendre auprès de personnes qui font partie des équipes produit (chief product officers, heads of product, heads of design, etc) pour que tu puisses apprendre directement de leurs expériences, dans des boîtes comme BlaBlaCar, Getaround ou encore la Fourche, et te font travailler sur des cas réels. C’est très formateur !
Le troisième, c'est tout notre accompagnement carrière. D’abord, tu rencontres une variété d’experts qui te partagent le cycle product, mais tu vois aussi des coachs produits qui sont là en fil rouge entre les intervenants pour faire le lien avec nos cours. Ces coachs produit, tu les vois en 1-1. Ils t'aident à bâtir ton discours, te donnent confiance en toi, quand parfois tu as eu le sentiment de ne pas y arriver avec les cas ou encore que la correction est énorme, alors que c'est normal et que ce n'est pas grave.
Enfin, nous faisons un accompagnement avec des mentors et des parrains/marraines (des alumni en poste qui viennent aider) pour préparer aux entretiens. Tout est fait pour entourer la personne avec les bonnes manières de passer des entretiens. S’étant confronté à des cas et ayant rencontré un maximum de monde, on en sort avec un solide bagage produit qui donne une bonne idée de l’endroit où tu as envie de travailler et une top préparation pour cartonner les entretiens.
Pourquoi enseigner le NoCode dans vos cours de product management ?
Alors pour nous, c'était une suite logique. Ce qu'il faut voir déjà, c'est que Maestro n'est pas que l'école du product manager. Je dirais plutôt que c'est l'école de la tech et on y rentre par le produit parce qu'au cœur du produit, il y a les product manager. Mais aujourd'hui, au cœur du produit, il y a une nouvelle réalité avec le product builder. Donc si tu veux être au cœur de la tech, pour nous, c'est normal en tant qu'école d’inclure le NoCode dedans.
De fait, on parle de plus en plus du NoCode dans les podcasts et dans les médias produits, car aujourd’hui, être product manager c’est répondre aux besoins des utilisateurs et du marché. Les besoins vont de plus en plus vite, à tel point que c'est parfois chaotique et la cadence imposée à l'équipe tech est telle que l’on ne peut répondre à ces besoins. Du coup, pour être en capacité de rebondir, de tester tout le temps avec des utilisateurs et d'être dans ton rôle de product manager, tu as besoin de savoir utiliser le NoCode. De plus, les qualités des NoCodeurs et des product managers sont très proches : il faut d’abord penser problèmes avant de rentrer dans l’outil afin de comprendre pourquoi tu vas l’utiliser, et être hyper organisé.
Donc pour nous, on peut lier l'un avec l'autre. Quand on enseigne le produit, nous en profitons pour mettre une touche de nocode pour permettre aux futurs product managers d’avoir une corde de plus à leur arc. Typiquement, chez PayFit aujourd'hui dans les équipes produit, ce sont des product builders, et on leur demande souvent de mixer des qualités de product manager avec celles de NoCodeur.
L'une des principales difficultés en reconversion, c'est le syndrome de l'imposteur. Quels conseils donnerais-tu pour surmonter ?
C'est une vaste question ! Le syndrome de l'imposteur, c'est beaucoup une question de confiance, et pour y répondre, se former est un excellent moyen. Avec la formation, tu vas rencontrer des gens comme toi et te dire "si lui le fait, je peux le faire". Je dirais aussi que pour combattre ce sentiment, rejoindre une communauté est un atout puissant. Avoir des pairs te donne confiance. Il faut prendre conscience qu’il y a 70% des gens qui ressentent ce syndrôme, et ça, ça aide à le relativiser !
Ensuite, il faut aussi chercher à comprendre la cohérence de son parcours. Quand tu fais une reconversion, tu as souvent le syndrôme de l'imposteur. Mais quand tu creuses ton parcours et n'importe quelle expérience, tu peux souvent trouver de la cohérence. Je vais exagérer, mais si demain je veux devenir pianiste, peut-être que je pourrais trouver des choses dans mon passé qui ferait de moi une bonne pianiste.
Ce que je veux dire par là, c'est que tu as toujours dans ton parcours de la cohérence à trouver. Typiquement, chez Join Maestro, on a beaucoup de personnes qui étaient des commerciaux. Quand t'as été un commercial, souvent tu as dû prendre la parole, exposer tes idées et persuader. Un product manager est très souvent amené à ça dans son métier. Tu as dû souvent gérer et coordonner des équipes différentes, car quand tu vends un produit, tu dois aller comprendre le produit.
Ce sentiment d'imposteur, il va partir en réalisant que dans chaque expérience il y a un lien avec ce que l’on veut faire aujourd’hui, et que l’on sait déjà faire plein de choses. Pour y parvenir, ça demande un petit exercice pour refaire son histoire, la travailler et trouver les liens entre chaque étape. Ainsi, on arrive à parler de son parcours non pas en imposteur, mais en toute sérénité.
Vous qui enseignez le storytelling chez Hero, comment se raconter avec cohérence dans une reconversion ?
Très souvent, les gens arrivent en entretien et décrivent leurs expériences une à une: “j’ai fait un stage à tel endroit, puis j'ai eu une expérience de commercial, puis après je suis parti parce que j'ai voulu aller voyager, etc…” Alors évidemment, on doit dire quelles étaient nos responsabilités concrètement, mais moi je conseille plutôt de parler de ce que l’on a appris et de ce que l’on a aimé faire.
Généralement dans ce qu'on aime, c'est là où l’on a des forces. En entretien il faut les montrer et montrer que ce que tu aimes est en lien avec le job auquel tu postules. Et ce que tu as appris, ça montre que tu as un recul sur toi-même et c'est toujours hyper rassurant pour un recruteur. On sait pourquoi tu es là.
Au final, ce que tu proposes aux recruteurs, c'est une histoire. Qu'importe qu'elle était entrecoupée de voyages, d'expériences qui n'ont rien à voir, car ça répond à des choix que tu as fait et il y a forcément des logiques. Il y a des gens qui parfois n’osent pas dire les succès qu'ils ont eus, ou qui ne citent pas la startup dans laquelle ils travaillaient car elle s'est effondrée. Mais c'est une super expérience ! Simplement, il faut être fier de ce qu'on a fait dans la vie, surtout quand on a participé à une aventure difficile d’une startup qui s'effondre. Ça montre qu'on a vécu des choses dans sa vie professionnelle, qu’on a forcément gagné en maturité et qu'on en retire un solide bagage.
Alors concrètement, pour s’améliorer en storytelling, il faut écrire. On commence tout simplement par une feuille et un stylo, car en écrivant, on est de moins dans la description et plus dans la narration. Faites une liste de 2 points "j'ai appris / j'ai aimé" pour chaque expérience, et vous trouverez des liens ! C'est un truc qu'on fait beaucoup chez Maestro. Dans le coaching, on aide les élèves à trouver leur fil rouge et à le comprendre. En reconversion, on vit une période très transformante, et l’on a parfois du mal à prendre ce recul sur son histoire. Nous, on est là pour aider à construire cette histoire, et ça en fait un très bon vecteur de confiance en soi.