Wadih travaillait comme juriste à la Maif, avant de tomber dans le marketing. Il nous raconte comment il s'est reconverti et a pu faire évoluer son poste en interne pour rejoindre la Maif Startup Club. Il témoigne sur le syndrôme de l'imposteur mais aussi sur ses atouts en tant qu'ancien juriste pour réussir dans le marketing !
Transcription :
Est-ce que tu pourrais commencer par te présenter et présenter ton parcours ?
Me présenter ? Je m'appelle Wadih Belhachemi. J'ai 34 ans. Je suis aujourd'hui chargé de projet marketing au sein de l'entreprise Maif, qui est un assureur, bien connu du grand public. Mon parcours, sur la partie études, c'est classique. Moi, j'ai fait un master de droit des affaires avec une spécialisation en droit des assurances. Et après une première expérience comme rédacteur juridique chez Groupama, j'intègre la MAIF pour travailler côté sinistre. C'était un CDD et puis après, j'ai intégré définitivement MAIF. Là, plus sur du conseil juridique au particulier. Je suis toujours dans ma voie initiale, à savoir le juridique. Moi, parallèlement à ça, par rapport à une de mes passions pour l'écriture, j'ai une sollicitation externe qui me permet de prendre une mission en freelance dans la publicité comme concepteur- rédacteur. Je vois ça un peu comme un hobby. Je me dis que ça va me permettre de m'amuser, d'aller vers mes premiers amours un peu créatifs et artistiques.
Et ça se passe hyper bien. Tellement bien que derrière, on me fait d'autres propositions et je dépasse un peu le seul sujet com et le seul sujet création pour aller poser des stratégies de marque, des identités de marque, travailler sur des brand book, des choses comme ça et on se rapproche tout doucement de problématiques un peu plus marketing qui dépassent le seul sujet communication.
Et comme j'ai la chance de faire partie d'une très belle entreprise qu'est MAIF, l'information fait son chemin en interne et on apprend que j'ai une appétence réelle qui est confirmée pour les métiers de la communication et du marketing. Et on me propose de faire un détachement dans le cadre d'un programme qui s'appelle Happy Mobility, qui me propose d'aller faire un détachement d'une durée d'un an en startup. J'intègre une startup qui s'appelle Lovys, qui est aussi ce qu'on appelle un néo-assureur. C'est un assureur émergent qui vise prioritairement la cible trentenaire et j'ai la chance de travailler dans le département marketing et d'apprendre un peu plus les rouages de tous ces métiers-là, au contact d'un ancien de chez L'Oréal.
J'avais appris beaucoup et j'enrichis un petit peu ma culture market. Je suis en charge de la stratégie éditoriale, de la stratégie de marque à ses côtés. Et du coup, j'apprends vite et bien. Ça se passe aussi très bien cette fois-ci. Et derrière, à mon retour chez MAIF, encore une fois, très belle entreprise, on me propose de rebondir directement au sein de la direction marketing où je prends un poste de chargé d'action marketing. Et là, je travaille pendant une durée de 2 ans sur un très beau projet IT qui consiste à aller refondre l'application mobile MAIF. Et ensuite, j'ai rebondi sur un autre poste où j'occupe toujours une fonction en lien avec le marketing, au MAIF startup club, qui consiste à aller accompagner des startups à impact et des startups innovantes aussi dans leur développement. Et moi, je suis chargé de faire connaître le lieu, de faire connaître le dispositif et d'accueillir, d'aller chercher de nouveaux partenaires pour développer l'écosystème de MAIF. Voilà mon parcours.
Quand tu as eu ta première sollicitation, est-ce que c'était dans une démarche volontaire ou ça t'est vraiment tombé dessus par opportunité ?
Ça m'est tombé dessus par opportunité, en fait. Pendant mes études, j'ai eu des expériences dans l'audiovisuel. À titre perso, j'ai rédigé des scénarios, j'ai réalisé quelques courts métrages, etc. Et à Paris, je suis tombé sur une personne que ça intéressait beaucoup et qui, dans le cadre de son activité, c'était le DG d'une agence de communication que j'ai rencontrée par rapport à des connaissances que nous avions en commun. Et il me dit « j'ai un projet où j'aimerais apporter une nouvelle touche. J'ai besoin d'écrire une mini série pour une marque de sport. » Il fait cette proposition et du coup, c'est un peu un concours de circonstances, clairement.
Donc tu fais cette première mission, ça se passe bien, mais là, t'es encore juriste. À partir de quel moment commence à cheminer l'idée d'évoluer vers le marketing ?
Quand on commence à se rapprocher de ces métiers qui reposent un peu plus sur la proactivité individuelle, sur la réflexion personnelle, assez naturellement, on met son métier en comparaison et on se pose la question « Est-ce que je suis vraiment heureux là dedans ? » et 2, est-ce que c'est là que je suis le meilleur ? Et du coup, c'est à ce moment-là, au bout d'une ou deux expériences, j'ai commencé à me questionner quand même sur l'opportunité et voir comment il pourrait y avoir d'autres voies qui s'ouvriraient à moi. Mais à ce moment-là, je connais pas le dispositif Happy Mobility que j'ai évoqué. Il y a aussi cette crainte. Je me dis « Qu'est-ce que va penser mon employeur ? À ce moment-là, il y a plein de questions, pas mal de pensées limitantes aussi : « J'ai pas de formation dans le marketing, j'ai pas fait d'école de commerce, je suis un produit de la faculté de droit ». Mon parcours jusqu'ici justifie ma position actuelle. C'est là que l'employeur, pour le coup, et la politique RH de la MAIF, jouent un rôle assez déterminant dans ma trajectoire.
Effectivement, tu touches les doigts à la question du syndrôme de l'imposteur. Quand tu évolues vers le marketing, comment as-tu appris le métier ?
J'ai eu la chance de côtoyer des gens extrêmement compétents au cours de chacune de mes expériences. Le syndrôme de l'imposteur, effectivement, il est ultra présent. De toute façon, je crois qu'on peut avoir les uns et les autres une prédisposition à être plus touchés par le syndrôme de l'imposteur. En ce qui me concerne, ça a été quand même très, très, très prononcé. Beaucoup de questionnements, pas de formation... Et donc, voilà, c'est un fait et ça justifie pour moi cette sensation de ne pas être forcément légitime. Et en plus du sujet de la légitimité, c'est vraiment de se dire « Je ne suis pas à la hauteur, je ne suis pas assez bon. » On débarque quand même dans un univers professionnel qui est à l'instar de ce qui peut être le cas du droit et aussi très codifié, où il y a beaucoup d'anglicismes, où il y a beaucoup où on parle beaucoup en acronymes, où tout est tout le temps en mouvement, où ça bouge beaucoup, où on passe d'un travail où on prend le temps à un travail en mode projet ou en plus, moi, au moment où j'opère ce virage, disons, le sujet de l'agilité est hyper à la mode et du coup, la plupart des organisations dans lesquelles j'ai travaillé se mettent en mode agile et du coup, tout va beaucoup plus vite.
Les agents sont beaucoup plus proches les uns des autres. On est sur un temps court et un temps où il faut qu'on soit efficace. Donc à la fois, ça a été hyper challengeant et à la fois, je crois que cette réalité là, elle m'a servi parce que de toute façon, il n'y avait pas le choix que d'avancer, de délivrer. Et je crois que ce contexte m'a plutôt bien servi. J'hésite à parler au passé parce que le syndrôme de l'imposteur, il reste toujours. Allez, on va dire qu'avant, je le portais comme un manteau. Là, je l'ai un peu mis dans ma poche arrière de jean, mais il est toujours là.
Je pense que c'est le lot de beaucoup de personnes en reconversion de ressentir ce genre de syndrome. En tant qu'entrepreneur, c'est quelque part une reconversion. Il y a des sujets où je me sens peut-être un peu moins légitime pour avancer...
Je comprends effectivement complètement parce que justement, au sujet de l'entrepreneuriat, à tort, on considère que son cœur de métier, c'est son expertise, alors que le métier d'entrepreneur a ses spécificités. Et du coup, je ne sais pas moi, si demain on crée une boîte de conseil en marketing, au-delà de la seule compétence marketing, la compétence entrepreneuriale, elle est identifiée, elle est identifiable et ça peut justifier effectivement qu'on puisse se dire "Est-ce que je suis bien ? Est ce que je mérite cette casquette ?"
Est-ce qu'il y a d'autres challenges auxquels tu as fait face durant ton parcours ?
Très clairement, comme je le disais, on arrive dans un univers où tout a un nom et où parfois, une même chose peut avoir plein de noms différents. Ce qui n'est pas forcément le cas dans le domaine juridique. Et effectivement, c'est vraiment cette découverte sur l'immensité de toutes ces informations, de tous ces nouveaux modes de travail. Au début, très clairement, il y a cette peur à surmonter qui est, pour le coup avec du recul, complètement justifiée. Il y a des moments où vraiment, on se dit clairement, j'y arriverai pas. La marche est trop haute ou si elle n'est pas trop haute, elle est trop lointaine. Et du coup, le grand écart, je réussirai pas forcément à le faire. Surtout que voilà, c'est des domaines techniques, c'est un domaine technique comme le droit, mais où, encore une fois, et dans mon cas, j'ai eu cette chance de très vite travailler avec des gens très brillants. Et du coup, ça grossissait un petit peu le trait que ce soit au niveau du syndrôme de l'imposteur ou au niveau de la marche, du pas à franchir. Ça, pour le coup, suivre des gens qui vont très, très vite et qui connaissent extrêmement bien leur métier, je ne l'abordais pas de la manière la plus sereine qui soit, en tous les cas.
Quand on pense marketing et juridique, on pense à la RGPD. Mais au-delà de la RGPD, est ce qu'il y a des éléments en marketing sur lesquels tu parviens à valoriser ton expérience de juriste ?
D'un point de vue marketing, de toute façon, on porte à peu près surtout un regard business et du coup, on m'a amené à toucher du doigt des sujets qui sont hyper encadrés. Ça peut être sur le terrain contractuel, par exemple. Ça peut être dans la relation avec un prestataire sur un projet digital. Là, pour le coup, mon expérience passée, effectivement, ça me permet d'aller plus vite sur certains points. Après, je crois que plus qu'une matière, le droit est avant tout une méthode. Et ce mode de réflexion qui est animé par la logique et par la méthode, justement, ça m'a beaucoup servi dans mes nouvelles fonctions. En termes de posture aussi. En termes de posture, de capacité à aller analyser, à avoir un regard assez vaste et avoir une hauteur de vue plutôt sur l'ensemble des sujets que je vais avoir assez rapidement. Je crois que justement, ça, c'est un ADN qui me vient vraiment de ma formation juridique. J'ai pu m'adapter à appuyer quelques fois sur des hard skills, en contrat notamment, mais c'est plus sur la partie soft skills et approche des problématiques que j'ai tiré le plus de bénéfice de mes expériences passées.
Et aujourd'hui, qu'est ce qui te plaît le plus dans ton nouveau métier ?
Moi, je suis quelqu'un qui est très attiré par tout ce qui touche à la créativité. Et dans la manière d'inventer un dispositif, dans la manière d'aborder un nouveau business, dans la manière de nouer un partenariat, il y a toujours cette touche de créativité. C'est ce cadre, ce monde à créer... C'est vraiment ce qui me plaît le plus. J'ai eu la chance, notamment sur ma précédente expérience, d'avoir une approche très produit du marketing et de toucher à d'autres métiers, que ce soit du design ou du dev. Et pour le coup, voilà, c'est cette nourriture intellectuelle et le fait d'avoir comme interlocuteur des gens de tous horizons, parce que sur des fonctions de chargés de projet, on est très souvent dans une logique de transversalité avec divers acteurs en interne ou en externe. Et ça, c'est hyper enrichissant. C'est une nourriture intellectuelle tous les jours. Et en un mot, c'est vraiment la diversité.
Quels conseils donnerais-tu aux personnes comme toi qui souhaitent se reconvertir dans le marketing ?
N'ayez pas peur des mots et n'ayez pas peur de vous. Si vous vous posez cette question-là, si vous avez une appétence, allez-y. Je crois qu'à part quelques rares métiers, absolument tout peut s'apprendre et pas tant de temps que ça. Je crois que quand on a de la volonté et qu'on a un vrai goût pour quelque chose, tout est possible.